Les réseaux, pourquoi ? comment ?
Le marché du droit en France est dans une phase de mutation (celui du chiffre également). Depuis le début de ce siècle, les réformes successives, la digitalisation et l’ouverture à la concurrence ont eu raison du modèle ancien de la profession individuelle, libérale et de notables. Le petit monde des cabinets d’affaires parisiens a dû également se rendre à l’évidence, Paris n’est plus le passage obligatoire pour les groupes internationaux et les investisseurs. Les mentalités et les modes de consommation du droit changent, la concurrence et la demande client évoluent. Il faut adapter son offre pour mieux répondre à un marché d’acteurs de plus en plus sensibles à l’aspect rapport qualité/bénéfice/coût.
En parallèle, l’Europe favorise l’émergence de grandes régions de développement, pôles économiques forts. Le centre de gravité s’est déplacé et répartit sur plusieurs métropoles régionales.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous avons pu voir se développer des cabinets en réseau et des réseaux de cabinets, tels que : développement de réseaux nationaux dont l’initiative revient à des parisiens ayant besoin de trouver des relais de croissance en région ; constitution de réseaux dont l’origine est en région (en ce compris Paris) pour des motifs tout à la fois de développement, d’ouverture sur certaines compétences fines ou de niches, mais également pour permettre une visibilité nationale et internationale ;
Pourquoi
Situation antérieure
Si tel client, atteignant une certaine dimension, requérait une attention toute particulière pour une opération stratégique nécessitant les services d’un cabinet d’affaires, il n’avait qu’à, pensait-il, venir à Paris. Il ne pouvait être question de trouver un cabinet hautement spécialisé en région. Cette situation révélait une réalité, car, mis à par Lyon, les cabinets dit « d’affaires » étaient réputés tous être sur la place parisienne.
Depuis 30 ans (avec l’arrivée des cabinets Anglo-Saxons et la fusion avec les conseils), ce phénomène s’est amplifié, avec une concentration du marché entre les mains des structures (françaises ou internationales) installées à Paris.
La centralisation encore très présente en France n’incite pas ces structures internationales à intégrer une expansion régionale dans leurs plans de développement. Par comparaison, plusieurs cabinets anglais ou américains ont deux ou trois implantations en Allemagne, en Italie ou en Grande-Bretagne.
En Allemagne, une présence à Francfort, Berlin et Munich est indispensable pour assurer une couverture correcte du tissu économique et pour suivre une clientèle de multinationales sur leurs différents marchés.
Il faut sans doute mettre dans une catégorie à part, FIDAL, qui était un cas unique, jusqu’à ce jour, d’une stratégie de maillage de plus de 50 ans, permettant d’assurer une large couverture du territoire (présence de structures intégrées dans près de cent villes françaises).
Les autres structures d’avocats ayant eu à ce jour des stratégies comparables, bien qu’à une moindre échelle, étaient toutes rattachées (de près ou de loin) à des acteurs de l’audit et de l’expertise comptable (E&Y, FIDUCIAL avec SOFIRAL, DELOITTE avec In Extenso, SOREGOR avec SAJE (devenu TGS France Avocats). La stratégie étant d’offrir un service de proximité avec un guichet unique regroupant le droit et le chiffre pour des professions libérales, des TPE et des PME (y compris des filiales de groupes).
Constatations générales aujourd’hui
Les cabinets dont le siège est à Paris, sont encore très frileux à s’aventurer au-delà du périphérique ou de la Défense : plus de 90% de ces cabinets de plus de dix associés sont dans ce cas. Les causes peuvent être diverses : soit la conséquence d’une analyse économique confirmant que les bons clients et les bons dossiers sont à Paris, soit que les principaux centres de décision sont regroupés en Ile de France, soit, encore, que seule la place de Paris est visible à l’international.
Les points de vue évoluent très vite et qu’il y a une prise de conscience des tendances du marché et des attentes client. Les parisiens comprennent l’intérêt qu’il y a à se développer sur l’ensemble du territoire (proximité clients, nouveaux débouchés, coûts nettement inférieurs à Paris, turn-over des équipes moins important…).
Pour ce qui est des structures de province, c’est l’idée de conquérir des parts de marchés en étant plus visibles tout en restant plus rentables (vendre à prix parisiens et à l’international tout en ayant des coûts de revient maîtrisés).
Aujourd’hui de nombreux cabinets (parisiens ou régionaux) ont entamé une démarche stratégique de maillage territorial et d’ouverture de bureaux en régions (dans le cadre ou non d’une interprofessionnalité).
On constate que ce qui, jadis, relevait d’un réseau informel et de postulation devant les juridictions est en train de se transformer en réseau plus restreint de cabinets intervenant sous la même marque, label, appliquant les mêmes méthodes.
Le phénomène décrit ci-dessus, se retrouve également, mais à une tout autre échelle, pour les avocats exerçants indépendamment mais dans une matière de niche ou pour une spécialité. On voit apparaître des réseaux d’indépendants qui souhaitent le rester, mais bénéficier de la synergie que procure un réseau (souvent en s’adossant à une LegalTech ou un portail de services et de mise en relation). Il convient de citer le cas d’Eve d’Onorio, avocate fiscaliste à Marseille, qui a su fédérer des professionnels indépendants à travers le pays grâce au site www.mafiscalite.com).
- Les principaux pôles économiques qui ont la faveur des réseaux :
• Paris et IDF
• Lille et Hauts de France
• Strasbourg
• Metz / Nancy
• Lyon pour ARA Marseille / Montpellier
• Bordeaux / Toulouse
• Nantes / Rennes
• Caen / Rouen / Le Havre
Comment ?
Association et intégration
Le maître mot est « intégration » et « association ». Les cabinets qui ont tenté l’aventure du rapprochement avec des structures avec lesquelles aucun projet, aucun outil n’ont été mis en commun et partagés, ont dû rebrousser chemin.
De même, les bureaux créés et confiés à un (des) collaborateur(s) (souvent par pure opportunité afin de retenir le dit collaborateur qui souhaitait s’installer dans sa région d’origine) ont fini par fermer peu de temps après ou se sont limités à la sous-traitance d’affaires envoyées par le siège.
Ces échecs ont le plus souvent les mêmes causes : absence de communauté de culture et d’intérêts, absence de projets, d’objectifs, de moyens de développement propres. Les associations de cabinets qui réussissent sont celles qui proposent des procédures et des méthodes de travail.
Pour se donner des chances de réussir, il faut rapidement :
- Une animation du réseau (dans l’idéal un associé et le secrétaire général)
- Mettre en place un système d’informations commun avec les bureaux,
- Des services administratifs centralisés,
- La saisie des Temps et la facturation.
Les clients souhaitent un même service sur l’ensemble du territoire, une couverture nationale pour suivre les contentieux avec l’exigence que les mêmes procédures soient suivies dans l’ensemble des dossiers et la même qualité de prestation, et ce quel que soit le site.
Les cabinets multisites se développent grâce aux technologies de l’information.
Le développement des technologies de l’information et l’abaissement de leurs coûts a bouleversé notre manière de travailler (systèmes d’informations, visio-conférences, bases de données). La connaissance et le savoir-faire peuvent être présents en un point ou répartis sur les différents sites.
Des avocats qui connaissent le terrain
Implanter un site nouveau grâce à une marque forte et notoirement connue et des jeunes associés locaux, bien implantés dans la vie locale, reprenant ou non une structure existante (via une croissance externe)
Les différents modèles de développement
1) Les réseaux informels : ces réseaux sont essentiellement des associations loi 1901 ou GIE.
a. Interprofessionnelle ou non
b. Dénomination du réseau mais pas de marque commune,
c. Des moyens partagés (formations, communication, Legal Tech …),
d. Apport de visibilité, notoriété et méthodes
e. Développements indépendants,
f. Flux financiers (adhésion au réseau).
g. Quelques réalisations : (EUROJURIS, GESICA, ALTA JURIS, JURIS DEFI, LEXTEAM, ALTER EGO …)
2) Les réseaux de cabinets indépendants
a. Pas de marque commune,
b. Des moyens partagés (formations, communication, Legal Tech …),
c. Apport de visibilité, notoriété et méthodes
d. Co-développement / co-traitance / transversalité,
e. Flux financiers (adhésion, rémunération d’apports d’affaires, partage d’honoraires…)
f. Quelques réalisations : ETELIO, SIMON AVOCATS
3) Les réseaux de cabinets avec développement sous la marque (franchises)
a. Une marque commune,
b. Des moyens partagés,
c. Co-développement,
d. Apport de visibilité, notoriété et méthodes,
e. Flux financiers (redevance de marque, rémunération d’apports d’affaires, …),
f. Quelques réalisations : AGN, DELCADE,
4) Les structures intégrées (structures inter-barreaux, AARPI, holdings)
a. Interprofessionnelle ou non
b. Une marque commune,
c. Des moyens partagés,
d. Co-développement et objectifs communs,
e. Apport de visibilité, notoriété et méthodes
f. Flux financiers (rémunération d’industrie, apport et/ou capital)
g. Participation dans les structures locales (partielle ou à 100%)
h. Quelques réalisations : SIMON ASSOCIES, TGS France Avocats, RACINE, DS AVOCATS, IN EXTENSO