Stratégies de croissance des cabinets d’avocats
« Même si vous êtes sur la bonne voie, vous allez vous faire dépasser si vous restez assis là » – Will Rogers
Cadre général des stratégies de croissance
Il n’est plus à démontrer que les cabinets d’avocats sont des structures entrepreneuriales à part entière. Cependant, si les 20 dernières années ont fait la part belle à la professionnalisation des organes de gestion et à celle des fonctions support dans les cabinets, les stratégies de croissance sont encore abordées avec timidité en particulier par les cabinets du « midcap » qui représentent environ et tout de même, 4000 structures d’exercice.
Derrière cette apparente timidité se cache un complexe d’infériorité ; « nous sommes trop petits », « nous sommes ignorants de ces sujets », « notre marché ne s’y prête pas » …De surcroit les tentatives lorsqu’elles existent, se trouvent vite empêchées par le rapport d’urgence qui rappelle invariablement l’associé à son quotidien, à sa fonction de service ou bien encore, par le rapport action-facturation nécessaire à l’équilibre du cabinet.
Et pourtant… ! L’impermanence en affaires n’est pas un mythe. Qui n’avance pas recule. Les avocats vivent dans un monde où l’évolution est brownienne, écho de celle de leurs clients : nouvelles technologies, nouveaux outils, nouveaux procédés, nouvelles lois, nouveaux venus, nouveaux marchés, nouveaux concurrents, nouvelles méthodes de travail, nouvelles approches collaboratives, holistiques, etc.
Lever la tête et prendre de la hauteur n’est pas l’apanage des grands cabinets. J’exerce ce métier conseil depuis 18 ans et j’ai pu connaître nombre des belles structures actuelles alors qu’elles n’étaient encore que de « petite taille » ; elles ont simplement réussi le pari de l’accession à la PME de dimension conséquente, en comprenant combien cette réflexion stratégique était nécessaire et salutaire, j’ose même amusante. Quelle chance ai-je eu de les accompagner !
Toutefois, les cabinets sont encore trop peu nombreux à nourrir cette réflexion ; c’est bien l’un des paris que le Barreau français devra relever dans la prochaine décennie.
Mais qu’est-ce donc qu’une stratégie de croissance adaptée aux cabinets d’avocats ?
A l’évocation de cette question avec mes clients avocats, la réponse est presque invariablement celle de l’acquisition de nouveaux clients.
C’est un peu court. Voilà l’éclairage que je propose :
Les stratégies de croissance apparentées au business développement
L’une des stratégies de croissance qui s’offre aux cabinets, est en effet la croissance par le nombre de clients, puis par chiffre d’affaires. Non ce n’est pas la même chose ! La croissance par le nombre de clients assure la stabilité et la sécurité du chiffre (notamment en cas de défaillance d’un client), la croissance par le chiffre d’affaires s’effectue en développant le chiffre avec chaque client préalablement acquis.
Mais ce premier axe stratégique en englobe à lui seul une multitude :
- Stratégie de part de marché : le cabinet, avec son offre courante va davantage pénétrer son marché,
- Stratégie de nouveaux marchés : le cabinet avec son offre courante, va tenter de conquérir de nouveaux marchés,
- Stratégie de diversification : de nouvelles offres pour un nouveau marché (la plus couteuse des stratégies),
- Stratégie d’acquisition ou de rapprochement : le cabinet accueille de nouveaux associés dans des domaines nécessaires à sa croissance, ce qui suppose de lui adjoindre une autre stratégie tout aussi fondamentale, celle du bon équilibre de sa gouvernance,
- Stratégie de cross-selling : la fameuse !
- Stratégie de marque : par « franchisage » de sa marque et développement ou acquisition de cabinets,
- Stratégie de partenariats : La recherche de partenariats stratégiques avec d’autres cabinets est de plus en plus répandue.
Mais ces stratégies de croissance, toutes apparentées au business développement ne sont pas les seules.
Les stratégies de croissance de la marge
Croître sans que le résultat soit au rendez-vous peut être acceptable en phase de conquête. A long terme : non ! Il convient de s’interroger rapidement sur le réel retour sur investissement de ses efforts. Plusieurs axes s’offrent :
- Stratégie de repositionnement des offres : examiner chacun des services ou lignes de services afin de déterminer leur marge bénéficiaire et leur pertinence, qui, couplée avec la stratégie de business développement est un angle très intéressant, pouvant amener à éliminer les axes non performants,
- Stratégie de maitrise de l’efficacité de production : passer en revue les processus opérationnels afin de les rendre plus performants,
- Stratégie de maîtrise des coûts : l’analyse de coûts bruts, des coûts de production, des frais généraux et de leur optimisation.
Stratégie de croissance des effectifs
Quoi de pire que de ne pas pouvoir délivrer ?
Mais alors faut-il attendre d’être exsangue et au bord du burn-out pour se lancer dans la quête du recrutement ? Ou bien faut-il anticiper au risque de laisser les collaborateurs en sous-emploi ? Que penser de ceux qui avancent que la charge de travail suivra automatiquement avec l’annonce d’un nouvel arrivant ? Et comment recruter efficacement ? Où se tourner ? Enfin qu’offrir aux jeunes recrues pour ne pas les perdre ?
Stratégie de croissance des moyens
La question de la réserve foncière en phase de croissance est aussi cruciale que celle de la gestion des clients. Combien de fois n’ai-je eu à gérer cet épineux problème en mode achat ou location.
Il en est de même des moyens de production : des ordinateurs préhistoriques aux logiciels de gestion inexistants ou obsolètes, de l’absence d’outils de documentation reléguant les collaborateurs aux recherches sur le Net, aux outils de mails défectueux, en passant par les questions de sauvegarde et de sécurité, sont autant de défis quotidiens ; ils sont sources de perte de temps et entravent considérablement le développement des cabinets français.
Bonne lecture !
« Ce que vous faites de vos heures facturables détermine votre présent. Ce que vous faites de vos heures non facturables détermine votre futur »
David Maister, Pr de droit à Harvard, expert des pratiques de business développement pour les avocats.